Chambéry, ville d’art
et d’histoire, cela fait trente ans que la ville possède ce label. C’était aussi
le thème retenu par l’Associationdes Journalistes du Patrimoine et Chambéry Tourisme & Congrès ,
mi juin dernier sous un soleil paisible. Savoie, Haute-Savoie, de belles régions
de France où flotte un subtil parfum d’Italie. A Chambéry, l’histoire se lit à
chaque coin de rue. S’y mêle aussi tout le charme que recèle la Cité des Ducs
de Savoie. Balade informelle au gré de notre fantaisie.
La fontaine des éléphants
|
Fontaine des éléphants - Photo G.Garofino |
Au détour de nos pas, cette
fontaine des éléphants que la ville met une grande ardeur à
restaurer. L’éléphant, un symbole présent dans notre Histoire de France en
particulier à Paris où sous Napoléon, il était question d’une fontaine érigée
place de la Bastille à l’endroit de notre actuelle colonne de Juillet à l’image
d’un pachyderme monumental. Las,
sic
transit gloria mundi, l’éléphant édifié à l’échelle en plâtre en 1814 ne
sera jamais coulé dans le bronze car entre-temps le régime est passé de
l’Empire à la Restauration. Destruction en 1846, deux ans avant l’avènement de
la Seconde République. L’Empire, second du nom, se prépare en coulisses…
Le canal de l’Ourcq – également grande
réalisation du Premier Empire – n’alimentera donc jamais cette fontaine
éléphantesque de cette eau fraiche et à peu près limpide dont les parisiens
rêvaient tant. Ce chantier inachevé, abandonné sera bientôt le terrain de jeux
des gavroches du quartier avant d’intéresser des récupérateurs avisés de tout
ce qui pouvait l’être… Changement de régime pour ne pas dire de propriétaires,
notre Arc de Triomphe a failli connaître le même sort.
D’autres éléphants dans notre pays de cocagne ? Souvenir
d’un
éléphant de la mémoire à Lille sous la municipalité de Pierre Mauroy. Construit en
1989 pour le bicentenaire de la Révolution française, ce monstre de 13 m de
haut, 11 m de long, 4,30 m de large, doté d’une salle de projection de 20
places, avait coûté un peu plus de 7 millions de Francs, plus d’un million
d’euros, avant de tomber dans l’oubli, paradoxe pour un éléphant de la mémoire,
et d’être stocké en pays minier d’Arenberg bien loin des lampions et fastes
révolutionnaires de la Capitale des Flandres. Aux dernières nouvelles, le
paisible animal qui aurait pu connaitre le même sort que la fontaine de
Napoléon à la Bastille l’aura échappé belle. Cédé au franc symbolique, il avait
été racheté à l’euro plus symbolique encore...
Autre éléphant, celui d’un autre de nos anciens premiers
ministres, Jean-Marc Ayrault, dans sa bonne ville de Nantes où l’on connait, de
Folles Journées et où naquit Jules
Verne, passionné des contrées lointaines et de voyages extraordinaires. Ici l’imposant
animal dont les dimensions avoisinent celles de l’éléphant lillois pour un
poids de près de 50 tonnes, se meut par un mécanisme savant composé d’une
soixantaine de vérins.
Il y a du génie et
un talent de poids dans ce pachyderme là et cela ne trompe pas.
A voir sans faute.
A Chambéry, la fontaine des éléphants rend hommage à Benoit Leborgne, comte de Boigne
(1751-1830), enfant de la cité, militaire et grand voyageur notamment en Inde (où
l’éléphant est plus fréquent que l’ours polaire), il reviendra s’installer à
Chambéry, fortune faîte, consacrant une partie de celle-ci à l’embellissement
de sa ville (Construction d’un théâtre, percement de la rue qui porte
aujourd’hui son nom) mais aussi à des œuvres charitables en faveur des plus
démunis. Les Chambériens, sont fiers de leur fontaine et il est probable que
lorsque vous vous arrêterez un instant pour la photographier, l’un de ces
placides animaux en barrira de plaisir. Formée par quatre demi éléphants sur
quatre faces d’un carré, la fontaine est parfois nommée des « Quatre sans culs » mais ça,
ne le répétez pas si vous ne voulez pas voir le général de Boigne descendre de
sa colonne.
Le château des Ducs de Savoie et la Sainte-Chapelle
|
la Sainte-Chapelle - Photo : Gérard Conreur |
Difficile de parler du Château des Ducs de Savoie sans
évoquer l’histoire de ce
Pays de Savoie
qui compose les deux départements actuels de la Savoie et de la Haute-Savoie. Ce
territoire est issu du découpage du duché de Savoie, donné à la France en 1860
par le roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel II, prince de la maison de Savoie et
futur roi d’Italie, en échange de l’aide apportée par Napoléon III pour la
constitution de l’unité italienne.
Le Château des Ducs de Savoie et la Sainte-Chapelle constituent pour les
Chambériens, une fierté plus grande encore que la fontaine des éléphants et
mérite non pas un détour mais une visite passionnante. Si vous avez la chance
de gravir l’escalier de la tour demi-ronde, accolée à l’aile royale, vous
accéderez au sommet de la tour où la vue est remarquable sur la Sainte-Chapelle,
la ville et derrière elle le contrefort des Alpes.
La Sainte-Chapelle
est ainsi nommée en juin 1502, parce qu’elle va devenir l’écrin d’une relique
qui bouleverse la chrétienté : le Saint-Suaire
dont le duc Louis 1er de Savoie, prince de Piémont, comte d’Aoste et
de Maurienne (1413-1465) et son épouse Anne de Lusignan (1419-1462) avaient
fait l’acquisition en 1453 auprès de Marguerite de Charny, en échange du
Château de Varambon, dans les environs de Bourg-en-Bresse. Le prix est donc astronomique.
L’histoire du Saint-Suaire est truffée de rebondissements. On ne sait comment il
est parvenu en Europe mais son existence est relatée dès le XIII° siècle,
époque à laquelle ce suaire de drap blanc de 4,30m sur 1,10m de large est déjà
la propriété de la famille de Charny.
Ce drap mortuaire qui aurait servi à envelopper le corps du
Christ lors de sa mise au tombeau et porte l’image sépia d’un homme ayant subi
le supplice de la crucifixion, échappera de justesse à l’incendie de la
chapelle dans la nuit du 3 au 4 décembre 1532. Il y a doute sur la relique car depuis
le Moyen Age les « Saint-Suaires » sont légions en Europe et au
Proche Orient, on en compte une bonne quarantaine ! En France, le plus
célèbre est celui de Compiègne mais on en trouve également à Cahors, Reims,
Besançon, Carcassonne… A Rome, trois Saint-Suaires existent. Aix-la-Chapelle en
possède deux.
Après l’incendie, le saint-suaire, propriété personnelle des
Ducs de Savoie va quitter la Sainte-Chapelle au terme d’une nouvelle
mésaventure. En 1578, l’archevêque de Milan pour sauver sa ville de la peste
fait le vœu de venir à pied jusqu’à Chambéry pour se recueillir devant le
saint-suaire mais tombé malade, il s’arrête à Turin. Le duc Emmanuel-Philibert
pour lui éviter de nouvelles fatigues fera déplacer la relique jusqu’à lui à
Turin, ville que la relique ne quittera plus au grand dam des Chambériens dont
seules désormais les prières pourraient faire un miracle ?
Après la mort d’Umberto II, dernier roi d’Italie en 1983, et
par testament la relique devient propriété de l’Eglise. Cinq ans plus tard, en
1988, une datation au carbone 14 permet d’évaluer que la confection du tissu se
situerait entre 1260 et 1390 …après Jésus-Christ.
Est-ce à dire pour autant que le Saint-Suaire a livré tous
ses secrets ?
Le Château de Candie
Notre brève promenade à Chambéry se termine déjà. La
fontaine des éléphants retrouve son lustre d’antan sous l’œil attentif du
Général de Boigne qui du haut de sa colonne surveille les travaux dans un
silence approbateur, son regard parfois se perd du côté du Château des Ducs de
Savoie et de la Sainte-Chapelle.
|
Le "ciel" de la rotonde de Chambéry - Ph. Gérard Conreur |
A d’autres moments, le général observe les
rues qui cernent la cathédrale et les quartiers de la vieille cité. Plus loin à
la lisière de la ville, l’extraordinaire
rotonde ferroviaire de Chambéry toujours en activité et dont les dimensions en font
l’une des plus importantes de France : 108 m de diamètre intérieur, diamètre de
la coupe : 55m pour une hauteur totale de près de 35m. Avec ses 36 voies
rayonnantes, le bâtiment plus que centenaire permet le remisage de 72
locomotives. Face aux coûts de restauration et de rénovation, la SNCF
envisageait en 1982, la démolition de la coupole. Une décision qui provoqua
l’émoi de cheminots passionnés, deux ans plus tard la rotonde était inscrite à
l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Site de l’Association pour la Préservation du Matériel Ferroviaire Savoyard.
Mais tout cela nous a creusé l’appétit et toujours un peu
plus loin, un peu plus haut tandis que nous laissons à regret Chambéry derrière
nous, voici qu’apparaît le
Château deCandie. Qui dit « château » dit « Histoire » mais cette
fois, nous ne remonterons pas jusqu’en 1344 où il appartenait déjà à la famille
Candie dont il tire avec orgueil son nom. L’histoire commence pour nous en 1990
lorsque Didier Lhostis, créateur de la
maroquinerie
Didier Lamarthe, passionné et collectionneur d’antiquités tombe amoureux de
cette ancienne Maison forte dont il se porte acquéreur aussitôt.
|
Le Château de Candie - Photo : Wooloomooloo |
Pendant quatre
ans, il va mener ici des travaux spectaculaires et le mot est faible pour
transformer le château en un magnifique hôtel restaurant. Il soignera la
décoration et trouvera en ce lieu une place idéale pour chacun de ses beaux
meubles et bibelots. Le résultat, j’en témoigne, est somptueux mais les travaux
se poursuivent, les granges sont transformées en 1999, une piscine extérieure
est aménagée l’année suivante. En juin 2006, pour Didier Lhostis, l’heure est
venue de passer à autre chose, peut-être un autre défi ?
En février 2014,
Cédric Campanella et son épouse Mariétou, tous deux anciens salariés de
l’établissement prennent possession du lieu écrivant ainsi une nouvelle page du
Château de Candie. Vous rêvez d’une table raffinée dans un cadre élégant ?
Ne cherchez plus.
Gérard Conreur – Juin 2015
A voir aussi à Chambéry et ses environs :
La Maison de la vigne et du vin à Apremont. Remerciements à l’association
La Manivelle pour une promenade en véhicules anciens. La région de Chambéry est riche en produits de
la table, notamment les
fromages de Savoie mais pas seulement. Produits de tradition et de qualité,
nous y reviendrons. Je voudrais citer trop rapidement malheureusement la
Distillerie des Alpes, la
Maison Dolin fondée
en 1815 (eh oui, Waterloo cette année-là) et la
Brasserie du Mont Blanc. Pardon
à ceux que j’oublie. Merci enfin à Gérard Charpin de Chambéry Tourisme &
Congrès.